Le 4 octobre, est parue la première exhortation apostolique du Pape Léon XIV, Dilexi Te. Elle porte sur l’amour envers les pauvres. Depuis plusieurs années, sœur Élisabeth Drzewiecki accompagne la Fraternité de la Beauté de Job, composée de personnes en grande précarité. Ensemble, ils ont partagé sur cette exhortation apostolique. Cet article reprend leurs échanges, souvent leurs mots.
Le partage a porté sur les paragraphes 16 et 17 de l’exhortation, au chapitre 2, Le choix des pauvres, qui souligne le choix préférentiel de Dieu envers les pauvres comme une dimension essentielle de son amour et de sa justice, et appelle les croyants à imiter cette attitude.
« Le regard de Jésus, quand t’es pauvre, c’est quelque chose ! »
Le regard que Jésus pose sur les pauvres ne juge pas, à la différence de celui des hommes. La pauvreté, le handicap, font que le regard échangé provoque du rejet, de la peur ou de la pitié. Il n’en va pas de même avec le regard de Jésus : « Avec Jésus, tu es normal, tu es quelqu’un, quelqu’un qui vaut de coup d’être regardé. Tu as le droit de vivre, d’être aimé et d’aimer les autres. ». Se sentir aimé à travers le regard de Jésus redonne espérance et confiance en la vie. Il est si fort qu’il n’est plus nécessaire de mendier la reconnaissance et l’amour des autres ; au plus profond de soi, on se sent aimable, même lorsqu’on a du mal à s’accepter tel qu’on est.
Bien plus, l’amour de Dieu enrichit, il permet de ne plus sentir la honte d’être pauvre, et de pouvoir s’ouvrir pleinement pour accueillir ce trésor inestimable. Il donne envie de rire, de danser, de vivre enfin ! « Être aimé par Dieu ça t’invite à vivre pleinement sans peur du regard de l’autre. Ça fait du bien de se sentir aimé comme ça : je suis une personne, je suis aimé ! Et puis on ose, on connaît, on grandit. »
Est-ce « une faiblesse de Dieu que d’aimer les pauvres » ?
Cette question est posée par un membre du groupe en réaction au texte du pape : « Dès le début, l’Écriture manifeste avec une telle intensité l’amour de Dieu à travers la protection des faibles […] que l’on pourrait parler d’une sorte de “faiblesse” de Dieu à leur égard. » (Dilexi te §17)
Faudrait-il que Dieu, parce qu’il est grand, s’occupe des « grands » ? Et pourtant, c’est bien l’inverse qui se passe : l’attention et l’amour de Dieu vont d’abord aux plus petits, aux plus faibles pour rayonner vers tous. Dans la vie, cette préférence des plus petits est très rare. « Si on regarde notre monde, ceux qui ont des grandes situations ne regardent pas en bas. Dieu l’a fait ! », il s’est fait le plus petit.
Pourtant, « ce n’est pas là une faiblesse de Dieu » fait remarquer un membre de la Fraternité, « il nous considère comme lui… On est au même niveau que lui, parce que lui se met à notre hauteur. » Aimer les très pauvres rend vulnérable, celui qui agit ainsi est transformé par la pauvreté et la fragilité, parce qu’il devient membre de la grande famille des « pauvres de Dieu ».
Qu’est-ce que la faiblesse de Dieu ? Est-ce d’être pauvre ? Les Jobiens répondent : « Ce n’est pas parce qu’on est pauvre qu’on est faible. Bien au contraire, les pauvres sont forts, car il faut être fort pour survivre avec rien. Mais les pauvres sont vulnérables à cause du cumul des problèmes de la vie. »
« Dieu est proche de nous, les faibles, pour nous protéger des attaques des autres. Il se fait faible avec les faibles pour nous rendre forts. Et il nous invite à aller ensemble évangéliser les riches qui ne comprennent pas. Dieu attend de nous les pauvres qu’on évangélise les riches. »
« La richesse des pauvres »
Le pauvre est riche de l’amour des autres, riche de son entourage, s’il existe. Cependant, il faut reconnaitre qu’avoir un toit sur la tête, même si c’est beaucoup, ce n’est pas suffisant. Sans amour, sans protection sociale, la vie est très dure. « Moi, quand je croise quelqu’un qui est plus pauvre que moi, je me dis que j’ai de la chance car j’ai un toit. J’ai vécu à la rue. Et je sais ce que c’est que d’avoir froid et faim. Tu comprends mieux quand tu as déjà vécu ça. Tu ne veux pas que l’autre souffre comme toi tu as pu souffrir. J’ai l’impression qu’il faut passer par quelque chose comme ça pour mieux comprendre les pauvres. »
« Dieu aime jusqu’à la faiblesse des riches. »
Nous remarquons que les pauvres font peur aux riches. « Peut-être parce que les riches ont peur de perdre ? Souvent, les riches ne regardent pas les pauvres : s’ils ne les voient pas, c’est comme pour dire qu’ils n’existent pas. Et puis certains se disent certainement, “je ne veux pas devenir comme ça”… »
Dieu est bon. Il est pris de compassion pour la pauvreté et pour la faiblesse du monde. Il aime jusqu’à la faiblesse des riches aussi. « Pour que les riches comprennent, Dieu va vers les plus pauvres, il va vers ceux qui sont écrasés et ceux qu’ils veulent voir disparaître, ceux qu’ils ne voient pas. »
« Ce chemin d’abaissement que Dieu fait, il demande à ce que l’Église tout entière le prenne. Dieu se rend présent physiquement à travers tous les croyants de son Église. Il demande à ce que l’Église fasse le même choix des plus pauvres » parce que si on pense d’abord à partir des pauvres, on est sûr de n’oublier personne. »
« Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » a dit Jésus dans la bible. Tu sais pourquoi ? Pour que les sages et les savants soient obligés de compter avec nous pour trouver le royaume de Dieu !
Article rédigé par sœur Pascale Bonef et Élisabeth Drzewiecki